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Tirilly et ses icônes 
Le corps et ses désaccords, au coeur d'une peinture qui flirte avec la virtuosité sans y succomber.


Erwan Tirilly : Voilà le corps, et voilà la peinture... 

Peints au plus près, en petits formats, des globes oculaires veinés de sang et des bouches dépourvues de toute sensualité parce que réduites au spectacle cru de dents plantées dans des gencives. Ou encore une femme accroupie, nue, les seins pendants, le ventre marqué de plis disgracieux. Dans la mystique contemporaine du corps idéalisé, lisse et lumineux, Erwann Tirilly évolue totalement à contre-courant. Aucune volupté, mais une réalité sans concession de la chair, qui le rapproche d'un Lucian Freud, voir d'un Rembrandt - celui du Bœuf écorché, bien sûr... 
Installé à Rennes, ce jeune artiste avait déjà été entr'aperçu chez No Smoking qui lui consacre, cette fois-ci, sa première exposition monographique à Strasbourg. Et sa peinture le mérite, qui s'appuie sur une vraie virtuosité à reproduire le réel, à laquelle Tirilly ne cède pourtant pas. 
Loin de là ! Ses corps ou visages s'inscrivent dans des manipulations, des recouvrements, des ruptures et coulures, un vaste Meccano de la représentation humaine dont les derniers travaux offrent les versions les plus insoutenables - on y voit ainsi un adolescent au regard vide, comme énucléé, ou le visage recomposé, déformé à la façon d'un collage dadaïste. « J'aime faire vivre la chair, jouer avec le corps, le morceler. Fabriquer quelque chose... », confie Erwann Tirilly qui invoque dans ses références une rencontre improbable de l'icône médiévale et de Hans Bellmer ! Le sacré et sa transgression, en quelque sorte. 
Il aime aussi et surtout jouer avec le propre langage de la peinture, explorant son potentiel illusionniste pour mieux le nier ensuite, soumettant ses «icônes» à d'étranges traitements. Un peu comme s'il nous murmurait : «Voilà le corps, et voilà la peinture...» Et notre regard n'en sort pas tout à fait indemne. 

S.H. 

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