Erwann Tirilly : Troubleur d’esprit
L’impact visuel d’une œuvre et l’attraction qui en résulte est l’effet recherché de toute création artistique. En associant ses toiles de formats identiques en série, Erwann Tirilly est parvenu à capter l’attention du public. Non seulement les couleurs calibrées font preuve de modernité, mais les sujets abordés entre figuration réaliste et abstraction géométrique puisent leurs origines dans des références ancestrales.
Des personnages analogues au crâne rasé arpentent les fonds monochromes aux consonances pop. Symboles d’une universalité physique dans une époque en perte d’identité. La recherche du mouvement prédomine chez ces corps à la fois suspendus dans le vide et enfermés dans l’espace. Ces basculements et changements d’états perpétuent l’indécision momentanée. Faisant l’objet d’icônes sacrées, les figures s’inscrivent dans une lignée d’iconographie religieuse. Tirilly s’inspire également de l’univers psychiatrique, et soumet ces protagonistes à une sorte d’hybridation endurée par l’Homme moderne.
Un univers troublant, proche du cauchemardesque, se calligraphie, tout comme une sérénité et une souplesse soulignées par des géométries abstraites et des choix colorés éthérés. L’intransigeance du motif à croix n’est pas sans rappeler la virtuosité de l’exposition 0,10 de Malevitch. Quant à l’exubérance des couleurs vives, elle s’oppose volontairement à l’idée d’une figuration sombre. Les formes se matérialisent de façon dynamique grâce à l’homogénéité des arrière-plans. Des bulles et des griffonnages parsèment les toiles, preuve d’une expressivité semblable au neuvième art. L’artiste s’emploie également à la sérigraphie, un moyen de prolifération remis à jour.
Des fragments d’anatomies déstructurés façonnent habilement une sensualité corporelle, opposés à des vanités crâniennes. Certaines chairs sont revêtues de codes barres, réduisant l’homme à un produit de marchandisation. Des cœurs lacérés pour des esprits enflammés, vers une ascension mythologique, soupirant d’existence au travers de corps en effacement. Sans oublier ces visages, tourmentés d’horreur mais ornés d’oreilles infantiles de Disney. Ne pouvant détourner le regard, les toiles aiguisent la curiosité du spectateur, en proie à la réflexion.
Erwann Tirilly souhaite-t-il dépeindre le paysage d’un chaos humain ? Ou bien créer sa propre légende en offrant à ses personnages la possibilité d’incarner un univers fantasmagorique ?
Lara Tournemire - décembre 2014
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